La désintégration positive, par Dabrowski

La désintégration positive, par Dabrowski, est une représentation des comportements humains et des chemins d’évolution des individus et des organisations et une appréhension des crises existentielles.

Pour Dabrowski, le développement avancé de l’humain ne consiste pas à réussir les différentes étapes de sa vie en obtenant des biens matériels ou des gratifications sociales. Cela consiste à transcender les instincts et conduites biologiques et le besoin de se conformer inconsciemment aux normes de la société. Un humain développé se caractérise par des traits tels que l’autonomie, l’authenticité, l’altruisme. Le modèle de comportement qu’il propose est basé sur 5 stade de développement de l’individu (mais il peut aussi s’appliquer à des groupes ou des organisations pour évaluer leur maturité de fonctionnement) :

1. l’intégration primaire ;

2. la désintégration unilatérale ;

3. la désintégration stratifiée spontanée ;

4. la désintégration stratifiée organisée ;

5. l’intégration secondaire.

I. L’INTEGRATION PRIMAIRE

– structures mentales rigides obéissant aux influences externes ;

– fonctionnement reposant sur l’égocentrisme et la conformité ;

– la préoccupation de l’autre est très limitée et repose essentiellement sur l’idée de l’exploiter ;

– la vie est modelée par l’influence et les pressions de la société, les valeurs sont mesurées à l’aune de la « réussite », c’est-à-dire l’argent et le statut social.

– L’organisation mentale est dédiée à la gratification des instincts, pulsions et besoins biologiques individuels, incluant les besoins sociaux.

– L’intelligence est focalisée sur l’intérêt et la gratification personnelle.

– Les réponses comportementales sont généralement automatiques et il n’y a pas ou peu de conscience de soi.

– Le potentiel de développement est généralement bloqué par la peur de l’inconnu.

– Le moindre aléa, le moindre imprévu provoque crise et frustration que l’individu est loin de percevoir comme une opportunité de croissance ou d’évolution. La crise se résout le plus souvent en revenant au status quo précédent, vers ce qui est connu et ne fait donc pas peur. Les problèmes se représentent donc régulièrement, inchangés, avec des interlocuteurs différents (mariage, divorce à répétition, addictions affectives ou à des produits…).

Les comportements sont chargés de misanthropie et de méfiance de l’autre, de ce qui est différent ou étranger.

Dabrowski distingue deux tendances :

Certains individus sont plutôt influencés par le facteur « environnement » et peuvent se trouver sur-sociabilisés, leur façon d’être au monde étant de se conformer fortement aux exigences de la société. Ils ressentent le besoin de s’approprier les autres et pourront, de ce fait, connaître une belle réussite matérielle.

Certains individus sont plutôt influencés par le facteur « biologie » et deviennent sociopathes ou psychopathes. Ils sont motivés avant tout par la satisfaction de leurs propres besoins, instrumentalisant autrui pour arriver à leurs fins. Cela concerne les criminels, mais aussi les personnes ayant réussi au détriment ou par l’exploitation des autres. Une telle intégration, synonyme pour certains de réussite sociale et d’équilibre, est considérée par Dabrowski comme l’opposé de la santé mentale. Il précise aussi que plus la structure d’intégration primaire est cohésive, moins il existe de possibilités de développement. Un individu évolue donc en étant remis en question par la vie.

Il parle de « 3ème facteur », pour désingner ce qui permet de s’affranchir de la biologie et de l’environnement, d’en devenir indépendant. Il s’agit d’agir par volonté, de façon autonome et bienveillante, pour tendre vers l’intégration secondaire.

II. LES DESINTEGRATIONS

Les phases de désintégration peuvent être déclenchées par certaines étapes de vie comme la puberté, le milieu de vie, la ménopause ou le décès d’un proche. Les individus entrent alors en contact avec un moi plus profond. Ils sont de plus en plus perturbés par l’écart qu’ils ressentent entre ce qui devrait être au monde et ce qui est réellement, ce que Dabrowski nomme le conflit « psycho-névrotique ». Lorsqu’ils prennent conscience de cet écart, ces individus intériorisent les conflits et expériences négatives et l’organisation mentale préexistante qui guidait les comportements quotidiens se fissure. Cette première étape de la désintégration est pleine d’ambiguïté et très inconfortable par rapport à l’état antérieur, car elle fait perdre les structures et les automatismes.

Dabrowski considère que les psychotiques sont coincés entre intégration primaire et première désintégration, en ne se résolvant à se satisfaire ni de la première, car l’organisation mentale est déjà trop déstructurée pour la trouver satisfaisante, ni de la seconde, car l’angoisse qu’elle provoque est insupportable et le psychotique préfère nier l’écart constaté entre l’état du monde réel et celui qu’il souhaite plutôt que de s’y confronter. Le psychotique ne peut donc pas être satisfait de sa situation.

Le névrotique arrive à prendre conscience de lui lors de la désintégration et à trouver une boussole intérieure qui lui donne de l’autonomie. Une hiérarchie des valeurs se met en place, sur laquelle l’individu peut s’appuyer dans la mise en place de sa nouvelle organisation psychique. Ceci permet une résolution des conflits internes et une dissolution de l’anxiété.

Etape 2. LA DESINTEGRATION UNILATERALE : se mettre en route

C’est le premier signe qu’un développement advient. C’est un niveau de transition. A ce niveau, l’individu perçoit une tension interne mais son développement est encore essentiellement conditionné par son groupe social et des valeurs de conformité. Il expérimente alors une forme d’ambivalence, du doute et de l’insatisfaction par rapport à ce qu’il est. Il en résulte des conflits internes, que Dabrowski nomme « horizontaux », qui débouchent sur des comportements et des émotions incohérents. Morosité et confusion sont caractéristiques de cet état. Certains vont avoir recours aux drogues et à l’alcool pour tenter de le traverser.

Si le développement se stoppe ici, il peut causer des troubles psychiatriques, des idées suicidaires, pouvant évoluer vers la psychopathie ou renvoyer en intégration primaire, plus sécurisant.

Les obstacles au développement sont alors le fait que l’individu s’en remette avec excès à l’extérieur pour définir qui il est : chef de famille, leader politique, figure religieuse, gourou, enseignant… Le risque est de se conformer à des normes, d’essayer de se conditionner socialement pour jouer un rôle attribué par les autres, en recherchant indéfiniment leur approbation. La conscience de soi ne peut pas émerger. C’est un piège que d’autres théories nomment la construction en faux-self. Pour sortir de ce piège, il faut que les figures d’autorité s’avèrent défaillantes, qu’elles aient tort ou deviennent intolérables. L’individu se sent alors trahi et peut s’autoriser à évoluer vers ses propres directions.

Etape 3. LA DESINTEGRATION STRATIFIEE SPONTANEE : continuer l’ascension malgré les difficultés, sans véritable organisation ni boussole

Dabrowski note que la transition entre niveau 2 et 3 n’est pas une transition douce mais ressemble plutôt à un saut accompagné d’expériences liées au fait que le franchissement de cette étape est irréversible. L’individu remet en cause spontanément et involontairement ses croyances, attitudes et émotions avec, potentiellement l’abandon de certaines d’entre elles qui seront jugées de moindre valeur par l’individu. L’individu cherche à atteindre ce qui, dans son système de valeurs, devrait être, en ne se contentant plus de ce qui est. Dabrowski parle de conflits « verticaux », axés sur les valeurs et les concepts. Ce processus est constitué d’une succession de hauts et de bas, souvent empreints d’une forte intensité. Il peut-être déclenché par un événement externe (décès d’un être aimé, grave maladie, NDE…) ou un événement interne (expérience mystique…). L’accompagnement de ce processus consiste, non pas à soigner l’individu, qui n’est pas malade, mais à le soutenir pour l’aider à expérimenter stress, anxiété, voire épisodes dépressifs, en tentant de leur donner un sens, autre que la pure souffrance.

Lors de ce processus, l’individu se construit sa propre boussole morale et sa propre échelle de valeurs.

Etape 4. LA DESINTEGRATION STRATIFIEE ORGANISEE : apprendre à s’orienter seul et persévérer vers le sommet

A ce stade, l’individu est capable de chercher lui-même des solutions à ses conflits verticaux. Il est capable de se lancer des défis à lui-même. Il est de plus en plus capable de faire des choix qui lui permettent de tendre vers ses idéaux. Il se libère des conventions sociales. Ce stade est marqué par des dynamiques de création. L’individu s’éduque et se corrige de lui-même et devient conscient qu’il doit apprendre et chercher par lui-même ses propres sources d’information. Les individus parvenus à ce stade de développement sont plus capables de respect de chacun et de chacune, quelle que soit son origine ethnique ou sociale. C’est le début de l’intégration secondaire et Dabrowski reconnaît que les frontières entre la dernière étape de désintégration et l’intégration secondaire sont mal explorées et donc mal définies.

III. L’INTEGRATION SECONDAIRE

– les comportements ne sont plus systématiques et sont beaucoup moins influençables et plus volontaires ;

– les fonctionnements sont intériorisés ;

– les personnes trouvent la force de s’aligner sur leurs propres valeurs ;

– les comportements sont plus authentiques et altruistes.

Cet aboutissement de la personnalité est concrétisé par l’établissement d’une hiérarchie de valeurs propres à l’individu. Elle lui sert de « boussole morale » et guide ses actes. L’individu a résolu ses conflits internes.

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